LE TCHAD
VU PAR UN AVIATEUR |
ELAA 1/ 22 "AIN", Par Emile GOMEZ
(Cité avec l'aimable autorisation de l'auteur et de Jean Rosier rédacteur de la "Gazette des anciens"d'où est issu ce texte)
Après le départ de l'administration française du nord
du Tchad, le 31 décembre 1964, des troubles commencent a éclater
dans la région, entre les Toubous nomades musulmans, et l'administration
tchadienne, appartenant en majorité à l'ethnie Sara originaire
du sud. Ces troubles aboutissent en Juillet 1968 à la prise de la ville
d'Aouzu par les rebelles.
En vertu des accords militaires passés entre les deux pays, le Tchad
fait appel à la France pour dégager le poste d'Aouzou après
l'échec de l'opération menée par l'Armée Nationale
Tchadienne entre le 17 et le 24 août 1968. Le 26 Aout le personnel de
1'Entrepot de l'Armée de l'Air de Chateaudun reçoit l'ordre
de convoyer cinq AD 4 qui étaient en position de stockage longue durée
jusqu'à Fort-Lamy ou ils les remettront au personnel de l'escadron
1/21 de Djibouti venant pour assurer les missions
Aprés réception et montage des réservoirs supplémentaires
en provenance de Djibouti et de Tananarive, les Skyraider n° 33, 48, 49,
59 et 68 décollent le vendredi 30 août à 14h pour Fort-Lamy
via Toulouse. Ils arriveront le 2 septembre a quatre avions, le n° 68
ayant fait demi-tour le 31 pour des raisons techniques. Le n° 53 reste
alors seul à Chateaudun, ayant servi de magasin de pièces de
rechange.
Pendant ce temps, quatre AD 4 du 1/21, aux ordres du Commandant BLANC, décollent
de Djibouti pour Fort-Lamy, via Entebbé, accompagnés par un
Bréguet Deux-Ponts qui transporte les mécaniciens et le matériel
technique.
Le 2 septembre, les AD 4 de Chateaudun se posent à Fort-Lamy, cinq
minutes avant ceux de Djibouti. Après ravitaillement, ils repartent
ensemble pour Faya-Largeau, et le 3, un détachement pousse jusqu'à
Bardai, au nord-ouest de Faya, sous les ordres du Capitaine DAG0UAT.
Le 6 septembre, le poste d'Aouzou est repris par le 6eme RlAOM, sous la protection
des AD 4. Le 16 le personnel de Chateaudun est rapatrié, le 1/21 restant
à Faya jusqu'au 19 novembre, date à laquelle tout le détachement
inter-armées est rassemblé a Fort-Lamy.
A cette époque, l'escadrille Tchadienne dispose de cinq Dakota, dont
les n° 77049, 48978, 48861 et 348291, et de trois Broussard les n°
72, 202 et 205. Un Cessna 337 push-pull viendra renforcer l'escadrille en
1970. Sa mission est essentiellement le ravitaillement et le transport de
passagers et de frêt sur un territoire quasi-desertique grand comme
deux fois la France. A l'exception d'un jeune pilote tchadien son personnel
navigant et technique est exclusivement français.
Pour pallier cette carence en avions de transport, le Groupement Mixte de
Transport n° 59 est crée officiellement le 1er juillet 1969, aux
ordres du Capitaine JOURDAN. Il sera compose d'un escadron de Nord 250l et
d'un escadron de H 34 (cargos et "pirates" armés d'un canon
de 20mm), avec une ou deux Alouette II et un Broussard.
Auparavant, avec les AD 4 sont arrivés des Nord 2501, et pendant une
semaine environ, en septembre, un C 160 de preserie qui était en expérimentation
à Mont de Marsan et dont c'est le "baptême opérationnel".
A partir du mois de novembre, un roulement continu du personnel est assuré
avec les escadrons 1/21 et 2/21, en attendant la création d'une escadrille
basée à Fort-Lamy. La routine s'installe dans un calme relatif,
lorsque le 2 février 1969, un accident vient endeuiller le détachement
: au cours d'une démonstration à Libreville, I 'AD 4 n°
49 percute la mer, et Ie Lieutenant DELCAMBRE, son pilote, victime d'un malaise
en vol est tué sur Ie coup.
Le ler mars 1969, l'escadrille Légère d'Appui Aérien
1/22 "Ain" est officiellement créée, sous le commandement
provisoire du Capitaine PERRET, du I/21. Elle possède les AD 4 n°
38, 48 et 59, dix sous-officiers mécaniciens sans caisses a outils,
trois tables, six chaises, pas de pilotes et pas de locaux !. Elle a toutefois
l'assistance du personnel et le matériel du détachement mixte
de Djibouti et de Tananarive. Son indicatif radio sera "RAGLAN".
Le 14 mai arrivent au port de Douala les Sky n° 53 et 63. Apres remontage,
ils rallieront par air Fort-Lamy. Le Capitaine BERTRAND, commandant d'escadrille
arrive le 19 mai; son prédécesseur provisoire repartira pour
Djibouti le 4 Juin, après une soirée mémorable : on retrouvera
ses valises........ à Dakar !.
Avec l'arrivée le 11 juin des derniers mécaniciens affectés,
le détachement mixte du 1/21 et du 2/21 n'a plus de raison d'être
et ses membres réintègrent leurs unités respectives fin
juin. Les effectifs du 1/22 à cette époque sont de 32 personnes,
dont six pilotes.
Auparavant, au mois d'avril, un détachement ALAT, I'Escadrille d'Aviation
Légère des Troupes de Marine du ter RIAOM, est arrivée
au Tchad, équipée de Piper Tri-Pacer. Cette escadrille sera
commandée successivement par les Capitaines SABATIER et SANZ et opérera
surtout dans la région d'Abéché. Elle subira le 14 fevrier
1972 la perte d'un appareil et de son équipage pendant les combats
pour Amdagachi.
Le 14 juin, I'ELAA 1/22 perd le Sky n° 43, accidenté au décollage
à Fort-Lamy; son pilote, le Capitaine BERTRAND s'en tire avec quelques
contusions Cet avion sera remplacé par le n° 78 (ex 21-ZK ) qui
arrivera le 17 octobre en provenance de Tananarive.
La première mission opérationnelle débute en septembre
par un détachement de trois appareils (n° 38, 53 et 68) à
Faya-Largeau. La mécanique suit dans un Noratlas avec armes et bagages.
Il est à noter que ces vols de convoyage se faisaient toujours accompagnés
d'un avion de transport : l'équipement de navigation des AD 4 était
des plus rudimentaires, et le Nord ou le C 160 transportait également
un équipement parachutable SATER complet, le pilote de I 'AD 4 ne disposant
que de son lot de survie individuel et d'un bidon de 50 litres d'eau attaché
dans la cabine arrière, d'un MAC 50 sur lui et d'une carabine US dans
le lot de survie.
Pour cette première mission du 1/22, le Système D est de rigueur.
Les pleins des avions sont faits à la pompe à main Japy, environ
2 500 litres par appareil...., il est vrai que pour manier la pompe les prisonniers
de droit commun ne manquent pas à Faya.
Après ce premier contact avec la zone opérationnelle, le detachement
revient à Fort-Lamy peu de temps après. Le 1er octobre, le Lieutenant
PASTORELLI a le même accident que le chef d'escadrille, et si le Sky
n° 59 est entièrement détruit, le pilote s'en tire une fois
de plus sans une égratignure. L'avion sera remplace par le n° 85
qui arrivera le 11 novembre en provenance de Djibouti. Au mois de décembre
le Capitaine BERTRAND est rapatrié en Métropole pour raisons
de santé, et l'escadrille sera désormais commandée par
le Capitaine NEFIOLOV, un ancien du 2/21 de Tananarive
Les missions d'appui-feu se succèdent rapidement à partir de
novembre 1969. Au total, entre novembre 1969 et fin octobre 1970, treize opérations
principales, avec un total de 116 jours dans la nature. En gentral, les opérations
se font à partir de Faya-Largeau, parfois à partir d'Abéché.,
Am-Timan ou Bardaï.
Fin Janvier 1970, le détachement de Faya voit arriver le Nord-Pom.
C'est le Nord 2501 n° l5, du CEAM de Mont de Marsan, sans cocardes de
nationalité et sur lequel on a monté deux canons de 20mm, un
par porte arrière, avec environ une tonne de blindage à l'avant.
Son commandant de bord est le Commandant RlCHARD de SOULTRE, et il opérera
également à partir des terrains de Mongo et Abéché
jusqu'à la fin février Ces essais resteront sans suite.
Mais revenons à nos Sky. Le 26 aout 1970, le commandant de la Base
fait un atterrissage train rentré sur le n° 26 à Fort-Lamy.
L'avion sera réparé sur place par du personnel de la SFERMA.
Le 3 septembre, le Sous-Lieutenant BARANDON, pilotant le n° 79, réussit
à atterrir sans dommages sur le terrain de secours de Fada, son moteur
touché par des impacts s'arrêtant à l'atterrissage. Le
8 septembre, c'est au tour du chef d'escadrille de se poser en catastrophé
sur le n° 85 à Zouar, le circuit hydraulique du train ayant été
touché par trois impacts.
A partir d'octobre 1970, deux faits vont changer la vie de l'escadrille Tout
d'abord, elle reçoit l'ordre de maintenir à Faya un détachement
en alerte permanente a partir du 29. Ce détachement sera composé
d'une patrouille légère de deux avions, avec deux pilotes et
cinq mécaniciens, avec un renfort éventuel d'un avion, deux
pilotes et trois mécanos. Le personnel est détaché par
roulement de quinze jours minimum, la relève s'effectuant en principe
le jeudi par l'avion ravitailleur hebdomadaire. Pour pouvoir assurer cette
charge supplémentaire, le nombre des avions passe de six a neuf en
novembre, I'arrivée des AD 4 n° 50, 56 et 61 venant épauler
les n° 26, 41, 53, 78, 79 et 85 déjà sur place.
L'autre événement qui va bouleverser la monotonie de la vie
a Faya, qui est devenue entretemps une Base Opérationnelle Avancée,
c'est l'arrivée de l'aéronavale le 22 décembre 1970.
Les HSS 1 de la 33eme Flottille, aux ordres du Lieutenant de Vaisseau TOUREL
avaient débarqué le 12 décembre à Douala. Le 22
janvier, la 33F sera basée à Mayounga, du 8 au 21 février
à Bardaï, où elle perdra le HSS 1 n° 454, victime d'un
accident lorsqu'il faisait du "sling" sur le terrain, sans gravité
pour l'équipage. L'épave sera brûIee quelque temps plus
tard. Du 21 février au 5 mars elle sera à Yebbi-Bou, puis de
retour à Douala via Fort-Lamy, elle embarquera sur le ·Foch
le 23 mars 1971.
A la mi-71, le Capitaine NEFIOLOV sera remplacé par le Capitaine BRUNEAU
à le tête de l'escadrille, les missions d'appui-feu continuant
jusqu'à la dissolution de l'unité. Entre-temps, elle était
devenue le 1er avril 1974 I'Escadron d'Appui Aérien I/22
Pour les missions d'appui-feu, les Skyraider étaient toujours armés,
soit de 12 roquettes, soit de 12 bombes de 250 livres, avec les quatre canons
de 20mm Et deux bidons supplémentaires, parfois trois bidons pour les
missions de reconnaissance armée longue durée. Les AD 4 n'ont
jamais employé de napalm au Tchad
Le Sky n'79 fut le premier à recevoir l'insigne du "Ramel",
peint sur le capot moteur droit, début 70. Par la suite l'insigne fut
peint sur le coté gauche sur les autres avions, avec leur code, au
fur et à mesure de leur entrée en visite périodique d'entretien.
Les cocardes n'étaient pas uniformes sur tous les avions. Ainsi certains
n'avaient-ils pas au début de cocardes de fuselage, ou sous les ailes,
ou ne possédaient pas de drapeau sur la dérive, et le diamètre
des cocardes variait d'un avion à l'autre La couleur signalétique
de l'escadrille fut le jaune au début, en rapport avec celle des avions
du 1/21 et 2/21, vert et rouge respectivement. Mais on s'aperçut très
vite qu'elle était très visible pour un tireur au sol et on
s'empressa de la changer pour la couleur bleue, plus discrète
Sa robustesse à toute épreuve, sa rusticité, son autonomie
et sa capacité d'emport de charges faisaient du Skyraider un avion
particulitrenent bien adapté à ce type de guérilla, bien
que sa faible vitesse de croisière fut un lourd handicap sur cet immense
territoire. Le point noir du Sky au Tchad fut son moteur, en raison des conditions
trés dures d'utilisation : températures très élevées,
et surtout un sable fin qui usait prématurément les moteurs.
Rares étaient ceux qui dépassaient les 300 heures de fonctionnement
avant leur dépose pour révision générale
Quelques opérations des Skyraiders :
- Opération Agathe :14/11 22/11/69, sud de Fada, Bedo,
- Faya 6/12 9/12/69, Fada, Guidirmi,
- Abéché 19/12 22/12/69, Goz-Beïda,
- Opération Améthyste: 17/01 27/01/70, Bedo, Bachkile,
- Opération Ephémère: 21/3 29/3/70, Faya, Ounianga-Kébir,
Gouro, Ounianga-Sérir,
- Opération Criquet: 3 - 9/4/7, Abéché,
- Opération Crocodile: 5/6 12/6/70, Abéché, Biltine,
- Opération Hyéne: 7/7 12/7/70, Abéché, Moungoro,
- Opération Caniche: 22/7 31/7/70, Faya,
- Opération Moquette: 31/7 2/8/70, Abéché, Idjelile,
- Opération Cocker: 8/8/70 12/8/70, Faya, Gouro,
- Opérations Lévrier et Griffon: 30/8/70 14/9/70, Faya, Fada,
Bardaï,
- Opération Setter: 17/9 28/9/70, Faya, Fada, Zouar,
- Opération Picardie: 8/10 29/10/70, Faya, Bédo, Zouarké,
Zouar, Goubon,
- Opération Picardie: 1, 24/11 30/11/70, Faya, Oued Haroungouro, Oued
Aouré,
- Opération Bison Alpha, Zouar, Oued Koyougé, .....